Xavier Van der Stappen, ethnographe voyageur
titre de mon image Xavier sillonne l’Afrique depuis 20 ans. À son actif une multitude de voyages.
D’abord reporter free-lance puis administrateur de mission MSF en Éthiopie, il développe le service audiovisuel de MSF.


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Cette activité va lui permettre de porter un regard moins complaisant sur les aides occidentales. Il couvre les conflits du Tchad, d’Ethiopie, du Libéria, du Mozambique ainsi que le sort Boat People vietnamiens, celui des Azerbaïdjanais ou des Tziganes de Roumanie.

En 1991, il crée sa société de production spécialisée dans l’humanitaire et la culture africaine. En 1992, l’association Cultures & Communications voit le jour. Au terme de 3 années de recherches de terrain, il met sur pied l’exposition Æthiopia (musée de Tervuren,1996).

Après 3 ans passés chez les Maasaï, il monte une exposition qui sera visitée par près d’un demi million de personnes en 2 ans. S’enchaînent les expositions à travers le monde, les livres, les documentaires...

Ses multiples collaborations avec des musées internationaux et son intérêt pour les communautés locales africaines (près de 50 ethnies étudiées) en font un scientifique renommé.

l’aventure humaine
L’ethnographie, un job à part
Un parcours atypique
A chaque fois, repartir de zéro
Quand l’aventure s’impose
Eviter la surenchère
En canoë, à cheval, en moto...
Au-delà de l’intérêt culturel
Une approche lente
L’aventure au quotidien, le revers de la médaille
C’est bon pour le moral

l’aventure humaine

Parmi les métiers du voyage, l’ethnographie est sans doute une discipline étrange et méconnue. Une piste pour ceux qui veulent se lancer dans la découverte des autres.
Une alternative aux expéditions sportives et aux exploits. Une discipline peut conduire à mieux faire connaître des peuples possédant une vision du monde éloignée de la nôtre.

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L’ethnographie, un job à part

Sous une terme qui semble académique, se cache simplement l’étude de la culture matérielle des peuples. Cette approche, tout comme l’ethnologie ou l’ethnomusicologie, permet de dresser le portrait d’une société via un aspect particulier.

Pourquoi cette nécessité ? Parce qu’au-delà de l’image exotique des cultures traditionnelles, résident une incroyable source de savoir, une organisation sociale complexe et une création artisanale qui font également partie du patrimoine mondial. La richesse de l’humanité n’est-elle pas dans sa diversité ?

Alors, dans un monde où tout porte à croire que la mondialisation met en péril cette diversité, il semble urgent d’enregistrer, de protéger et de faire connaître la culture encore homogène de peuples lointains. Mais comment devient-on ethnographe de terrain ?

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Un parcours atypique

Rien ne prédestinait Xavier Van der Stappen à cette profession. Devenu aujourd’hui spécialiste de la culture matérielle de plusieurs ethnies africaines, conseiller pour plusieurs musées, il revient, pour nous, sur son parcours de vingt ans.

C’est la lecture du récit de voyage de Thor Heyerdahl, le « Kon Tiki », datant de 1947, qui lui donne le goût de la découverte. Pour Xavier Van der Stappen , les voyages se sont imposés comme une nécessité.

Encore fallait-il donner corps à ce projet pour pouvoir en vivre. Les petits voyages en stop s’enchaînent jusqu’à ce désir de vivre loin et longtemps. La Guinée en vélo, plusieurs traversées du Sahara, et déjà une longue expédition se dessine.

En 1985, à bord d’une R4, un canoë sur le toit, il entreprend de rejoindre les sources du fleuve Niger au départ de l’Europe. Il entame alors une descente de 4500 kilomètres d’un fleuve qui offre une variété exceptionnelle de paysages et de populations. Deux années seront nécessaires pour couvrir cette distance. Nous sommes loin d’une performance sportive !

Par contre, la récolte d’informations, les prises de vues et les séjours prolongés au sein de diverses ethnies vont déboucher sur un autre projet d’envergure. Une exposition ethnographique verra le jour à l’Africa Museum de Tervuren en 1991.

Depuis les missions de recherches se sont succédées. Le travail en équipe a donné forme à une méthode d’approche et d’analyse des données récoltées sur le terrain.

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A chaque fois, repartir de zéro

Il a donc fallu près de dix ans pour mettre au point un système viable. Mais à chaque projet, le sentiment de repartir à zéro demeure.

En effet, si Xavier Van der Stappen choisi librement ses sujets d’étude, il lui faut ensuite trouver les lieux d’expositions, convaincre des sponsors, décider des spécialistes d’apporter leur collaboration, intéresser des éditeurs et produire des expositions adaptées au lieu et au public visé. C’est, à chaque fois, une petite entreprise qui se monte patiemment.

A cela s’ajoute la pression saine de devoir être effectif car la qualité du résultat en dépend. Chaque acte posé sur le terrain doit déboucher sur un résultat directement utilisable.

La rentabilité, même dans une discipline comme celle-ci, n’est pas forcément incompatible. L’exercice nécessite aussi qu’on soit le plus objectif possible. Dresser le portrait d’une ethnie ne peut pas être emprunt de romantisme ou le moyen d’exprimer ses propres convictions.

Le but reste d’établir un travail de référence dénué d’à priori. Cela n’empêche pas d’évoquer des polémiques ou de dénoncer des situations.

Par exemple, chez les Maasaï il était impossible de soutenir la politique des parcs nationaux en matière de protection de la faune dès lors que les intérêts des éleveurs divergent.

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Quand l’aventure s’impose

Le travail ethnographique trouve tout son intérêt lorsqu’on peut le pratiquer au sein de communautés isolées. Principalement parce que celles-ci gardent leurs valeurs sans influence extérieure.

Parmi les peuples plus acculturés, le travail est rendu difficile parce que, différencier les racines des influences nouvelles, reste très compliqué. On aura toujours tendance à dresser le portrait d’une ethnie difficile d’accès. Ceci ne retire en rien l’intérêt d’étudier des phénomènes d’adaptations.

Reste que ces poches « vierges » se réduisent d’année en année et que les coins les plus isolés deviennent la cible des Voyagistes. C’est le cas de la vallée de l’Omo en Ethiopie, du delta de l’Okavango ou des forêts du sud du Cameroun. Lorsqu’on veut séjourner le plus de temps possible au sein de populations locales, cela passe nécessairement par l’utilisation de techniques d’expédition.

Le choix du matériel peut déterminer la qualité du travail. Ceci nécessite de tester beaucoup de matériels. Trouver une tente légère, réellement étanche et qui survit à plus de six mois en plein soleil et dans la poussière, tient encore de l’exploit !

Découvrir qu’on peut se nourrir avec un arc et des flèches demeure une surprise là où les habitants n’ont pas la possibilité de vous ravitailler.

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Eviter la surenchère

L’acte gratuit du dépassement de soi ne concerne que l’individu. Traverser une étendue désertique est de l’ordre du voyage intérieur. Ces exploits motivent certainement d’autres personnes à se surpasser.

Mais nous savons tous qu’une expédition nécessite des sponsors et que ceux-ci veulent de la visibilité. Alors une surenchère s’installe parfois. Plus loin, plus fort, plus dangereux ? Celle-ci peut mener à l’argent plus facile mais éloigne parfois l’individu de sa singularité.

Ainsi on accepte de gravir un sommet, de traverser un continent alors que le but peut être ailleurs. Aller vers les autres humblement sans tenter de se mettre en valeur en alignant les éventuelles difficultés d’adaptation, ne flatte pas forcement l’égo.

L’aventure humaine reste plus exigeante, plus laborieuse et nécessite le respect des autres malgré les nombreuses erreurs qu’on commet inévitablement.

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En canoë, à cheval, en moto...

Dans une région où il n’y a pas de route, on va à pied, à cheval ou en canoë. Non par choix mais parce que c’est souvent le seul moyen d’atteindre son but.

Travailler deux années avec une moto, ne ressemble en rien à un Paris-Dakar permanent. Mais cela s’impose parfois pour des raisons budgétaires, pratiques ou d’efficacité. Traverser la brousse en moto lourdement chargée nécessite l’attention constante de se dire qu’on ne doit pas risquer la vie du Maasaï qui est assis derrière, ni les appareils photo, caméra et enregistreurs contenus dans les valises.

Garder une moto sur un pareil terrain entraîne un entretien constant et un sacré stock de pièces de rechange. La moto reste un excellent moyen de transport et s’accommode d’un simple chemin à travers la brousse. Mais quand viennent les pluies, ça peut devenir franchement désagréable !

En Ethiopie, pour visiter des monastères, véritables nids d’aigles, il m’a fallu, à Xavier, traverser le nord du pays à pied. Là où, même un cheval ne passe, il faut crapahuter dans les montagnes. Ecrasé par le soleil, économisant une eau trop rare, soumis à d’importants écarts d’altitude, à la merci des bandits, les conditions de travail ne sont pas toujours idéales. Guidé par d’anciens rebelles, les journées n’en finissent pas. Parfois jusqu’à 15 heures de marche.

Au Lesotho, impossible de faire le tour du pays par route. On passe alors à cheval de village en village. La neige recouvre de superbes paysages de montagne, à l’opposé de l’image qu’on a de l’Afrique. Les femmes assises dans la neige pilent le maïs. Les Basutho, un chapeau de paille sur la tête, emmitouflés dans des couvertures bariolées, se déplacement uniquement à cheval. Dans ce pays, totalement enclavé dans l’Afrique du Sud, inconnu de la plupart des Occidentaux, un peuple a su garder ses coutumes. Les sangomas communiquent encore avec les ancêtres dans des cases enfumées.

Des potières façonnent encore d’immenses jarres à bières aux flancs patinés par l’usure. Dans les ravins escarpés, sur des kilomètres de parois rocheuses, l’histoire des derniers Boshimen, aujourd’hui disparus, s’étale en délicates peintures. Un travail immense de relevés reste à faire !

En Guinée, à l’époque ou l’essence et les véhicules manquaient, il fallait trouver un moyen simple d’atteindre les coins les plus reculés. Un vélo fera l’affaire pour joindre les sources du fleuve Niger et côtoyer les populations forestières. Dans les forêts sacrées, les jeunes sont encore initiés au terme d’une longue retraite. Les interdits sont nombreux et il faut répondre à la méfiance toute justifiée des gens.

Même au Maroc, si proche, alors que la vallée du Drâa déborde en ce mois de novembre et que l’eau envahi les dunes, mieux vaut aller à pied à la rencontre des nomades berbères. En chemin, quelle surprise de découvrir des centaines de tumuli et des milliers de gravures rupestres ! Sans parler de la possibilité qu’on a de goûter, chez les Aït Atta, les sauterelles grillées et les feuilles naturellement épicées du takaït, une petite plante grasse.

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En zone de guerre

On peut trouver cela étrange, mais les recherches ethnographiques se mènent aussi en zones de conflit. Au Sud-Soudan, largué par avion dans les zones inondables du Nil Blanc, on peut côtoyer des populations très isolées.

L’intérêt d’une étude permet, par exemple, de démonter le système d’enrôlement des enfants soldats qui s’effectue sur la base de valeurs ethniques.

Plus intéressant encore, on peut mettre en valeur le rôle pacificateur des « Maîtres des Lances » sortes de guides spirituels mis de côté par les mouvements rebelles.

En Somalie, même chose, on constate que les chefs de guerre ont écarté les aînés des décisions. Traditionnellement, ceux-ci président à la destinée de leur clan. Lors des conflits, ils se réunissaient pour résoudre les conflits et évaluer le dédommagement des parties plaignantes.

Ainsi, ce type d’informations diffusées auprès de responsables engagés dans des pourparlers de paix permettent parfois de changer la donne. Etre témoin de tensions qui naissent et le diffuser, reste un excellent moyen de prévenir les conflits et de tenter de les résoudre.

A notre époque où le concept « sans-frontière » semble dépassé parce que les armées prétendent faire de l’humanitaire, je pense qu’un effort tout particulier devrait être fait pour anticiper les conflits par une observation constante de terrain.

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Au-delà de l’intérêt culturel

Valoriser la culture, c’est aussi donner une opportunité aux minorités de reprendre confiance dans leurs valeurs. En effet, la plupart des états dénoncent l’archaïsme de certaines ethnies.

Des projets de sédentarisation des éleveurs sont menés avec l’aide des ong. Dans les pensionnats, des enfants sont coupés de leur famille et apprennent parfois à renier leur origine.

Durant les missions de terrain, je constate que les gens sont intrigués parce qu’une personne vient de si loin pour s’intéresser à leur culture et la mettre en valeur. Ce discours va à l’opposé de ce qu’ils vivent jusqu’à présent. Les agents de l’état, les missionnaires de tous bords, les ong, leur donnent une image peu reluisante de ce qu’ils sont. Sous couvert de projets humanitaires, des églises perturbent profondément le quotidien de communautés isolées.

Maintenir et valoriser des valeurs culturelles ne signifie pas qu’on veut figer des peuples dans le passé, ni en faire des pièces vivantes de musée. Au-delà du maintien des valeurs, on protége également leur économie et leur avenir. On renforce leur autonomie et on reconnaît leur savoir-faire. Ainsi, les Maasaï maintiennent leurs cérémonies car elles permettent d’assurer la cohésion sociale et l’entraide entre éleveurs. Ils luttent ainsi contre l’individualisme et donc contre le morcellement des terres voulu par l’état.

Si l’Afrique possèdent encore une telle diversité culturelle, c’est aussi parce que tous ces peuples spécialisés échangent entre eux.

Ainsi sur les marchés du Mali, on peut voir les pêcheurs Bozo fournir le poisson, les Peuls apportent la viande sur pied, les Dogon vendent du mil et des oignons, les Bambara, du beurre de karité et des tissages, les Songhaï des poteries et des outils et les Touaregs proposent leurs services comme transporteurs.

Tous ont intérêt à maintenir de bonnes relations parfois mises à mal par les aléas du climat.

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Une approche lente

La nécessité de s’implanter dans un village pour une longue période s’impose parfois. Au terme de plusieurs jours de route, on plante sa tente à proximité d’un village.

Le véhicule s’en retourne et reviendra dans quelques semaines. Le contact se fait lentement. Les premiers jours sont consacrés à établir le contact, à trouver des personnes disponibles.

Il faut attendre avant de sortir les appareils photos. A la fin du séjour, on tente d’acquérir les objets et un maximum d’informations les concernant. Pour accéder à des informations plus précises concernant les croyances et les rites, le temps ne doit pas compter car on entre dans ce que les peuples ont de plus secret.

Les secrets sont également à respecter car une culture perd de sa vigueur si ses secrets sont dévoilés au plus grand nombre.

La crainte d’être mal compris, empêchent certains initiés d’expliquer leurs rites.

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L’aventure au quotidien, le revers de la médaille

Des recherches ethnographiques de terrain peuvent parfois devenir terriblement mornes et ennuyeuses. Bloqué dans un campement maasaï durant plusieurs semaines à entendre sous la pluie une hypothétique cérémonie initiatique peut s’avérer très décevant.

En pleine saison sèche et chaude, dans un village du Nil ou dans la vallée de l’Omo où rien ne se passe entre 11 et 15 heures, y séjourner tient de la torture mentale. Alors ce type de travail nécessite de la patience et d’admettre que les choses ne se passe pas toujours comme on le désire.

Si voyager nourrit l’esprit, il faut ensuite structurer les informations qu’on a récoltés. Durant de longs mois, on passe à l’écriture, à l’analyse des données, à la mise en valeur des collections et des documents qu’il faut recouper et confirmer.

Tout ceci nous écarte du terrain pour un temps. Voyager dans un environnement qu’on considère comme hostile, n’autorise que la survie. Cette survie ne peut pas s’éterniser. Elle est souvent un motif, un échappatoire à la réalité qui est celle de notre monde. Monde dans lequel tout doit aller vite, être directement rentable médiatiquement et financièrement.

Par contre, si on fait l’exercice de considérer que là où l’on est c’est le centre du monde, alors l’environnement n’est plus perçu de manière hostile.

On prend le temps de vivre et non pas de survivre. On constate qu’il y a des enfants, des femmes, des vieillards qui y vivent et qui y sont nés.

C’est leur centre du monde, puisqu’ils sont de là. Le séjour devient alors plus facile.

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C’est bon pour le moral

Deux ans avec un canoë comme seule référence de ses origines nécessite de s’adapter à ce qui est disponible autour de soi. Les conditions d’un tel voyage sont l’économie de moyens.

Si on y parvient, on découvre qu’on peut se passer de beaucoup de choses. Mais on apprend aussi ce que les peuples rencontrés connaissent au quotidien : la mono alimentation, l’autosuffisance, le climat, un rapport différent à la douleur...

Garder en mémoire que pour nous, cette situation n’est que passagère, permet parfois de tenir quelques jours en mangeant, par exemple, les enveloppes d’arachides pilées et délayées dans de l’eau en attendant de trouver mieux.

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